Laurent Sicard (L),
André Vital (A), François Fauchery (F). |
St Jean de Minervois, Minervois, Corbières, Rivesaltes, Maury, Banyuls, Côtes du Roussillon, Collioure
"Gonflés à bloc !" C'est par ces mots que j’entame ma troisième virée vinicole en compagnie de mes deux compères Laurent et André. Il faut dire que le Trafic a intérêt d'avoir les reins solides, pas question de revenir bredouille. La consommation de "vin d'apéritif" a fortement augmentée ces temps derniers dans la famille Vital, et les stocks sont au rouge. Cathy verrait d'un très mauvais oeil que son mari ne ramène de quoi remplir la cave.
Le Roussillon, oui, mais dans quel sens? Après de longues soirées de préparation, de recoupement d'informations, de lecture d'articles, je propose du nord au sud, de St Jean-de-Minervois à Banyuls, où doit se terminer notre périple en compagnie de Florence et Franck. Il y a beaucoup d'appellations à visiter, et nous avons prévu un rythme d'enfer.
Peu après avoir quitté Toulouse, le matin, nous arrivons tout de suite dans le vif du sujet, dans cette "mer de vignes" qui nous fait réfléchir sur les rendements pratiqués et les millions d'hectolitres produits chaque année. Saurons-nous trouver notre bonheur dans cet océan ? Première halte à Lésignan-Corbière, jour de marché, et premier coup de coeur pour un délicieux fromage à pâte lavée, très typé. La maison du syndicat des crus des Corbières est elle aussi impressionnante, non par son aspect, mais par son organisation sans faille. On nous explique très clairement la politique de la maison, visant à définir plusieurs terroirs suivant le sol, l’encépagement, le climat. Le passage des Corbières en AOC a fait perdre 10% des terres exploitées. La documentation qui nous est offerte abonde en quantité et en qualité, nous sommes agréablement surpris par le dynamisme des vignerons. Pas encore de dégustation, mais plein d'adresses pour nos prochaines visites. Nous arrivons à St Jean-de-Minervois juste à l'heure du déjeuner.
Pas très difficile de délimiter l'appellation : si le sol est blanc, on est à l’intérieur ! La limite est très nette avec le sol de calcaire et de quartz. La table est mise, et l'apéritif est servi, c'est un cidre fermier, très typé, sans doute foulé au pied par l'agriculteur, que j'ai ramené du Nord. Quelques charcuteries, ce délicieux fromage de Lézignan, et un superbe Cahors, Clos de Gamot 1987 qui enchante notre palais (M. Jouffraud, le propriétaire, est parti au Paradis, mais heureusement il me reste encore une bouteille en cave).
Notre première visite est toujours émouvante, un rappel des années précédentes, et un avant-goût du vin que nous allons trouver dans la région. La Cave nous fait un bon accueil, nous le rendons au vin. Le muscat fait environ 250g de sucre au litre, et la coopérative en a produit 4000 hectolitres. Il existe deux produits qui diffèrent selon le jus sélectionné :
·
un premier muscat assez classique·
un deuxième, de meilleur qualité, provenant de petits grains (2,7 g d'acidité).Ces produits sont des assemblages de plusieurs millésimes. Il existe une toute petite production de "vendange tardive" plus concentrée et passée dans le bois, que nous n'avons pu goûter, les rares bouteilles étant réservées d’une année sur l’autre. La coopérative fait à elle seule 80% de la production, le reste allant principalement aux domaines de Sigé et de Barroubio. Nous repartons avec douze bouteilles au prix réduit, et le sourire aux lèvres. Ce muscat nous enchante par sa fraîcheur, sa douceur et son fruit. C'est Laurent qui nous a poussé à découvrir cette appellation pas très connue, sur les conseils de son professeur Casamayor. Nous n'auront aucun problème pour nous rendre à notre prochaine destination : de gros panneaux "BARROUBIO" sont posés à tous les carrefours, et nous emmènent directement à ce petit village et à son domaine tenu par Marie-Thérèse Miquel.
La vigneronne nous fait rentrer dans sa cave pour nous présenter sa production.
Les vignes ont autour de 25 ans, et poussent à une altitude moyenne de 300 mètres. Le mutage est fait la nuit, à 2% d'alcool provenant de Dames Jeanne remplies de raisins déposés un par un dans l'alcool... Un travail de Romain ! Les arômes frais du muscat doivent tenir 3-4 ans, et ensuite la bouteille peut encore vieillir dans de bonnes conditions. La couleur ne change pas grâce à la maîtrise actuelle de la fermentation à froid. La renommée du domaine est justifiée, Pierre Casamayor y vient souvent, les grands restaurateurs tels que Robuchon, Loiseau, sont de fidèles clients, et grâce à la publicité faite dans le Chasseur Français, la vente est épuisée trois mois par an. Nous remportant 36 bouteilles plus 6 rosés offerts par la maison. 1995 est très prometteur, et Marie-Thérèse nous propose de revenir dans deux ans pour goûter son VT 95 et un somptueux Minervois qu'elle nous prépare. Nous sommes restés longtemps à discuter, du vin, des viticulteurs (- trices), et même du Barrolo Italien qui servirait à blanchir l'argent de la Mafia...
Après cette dernière étape de l'appellation, nous descendons vers le Minervois, au Domaine Maris.
Une jeune stagiaire est chargée d'office pour nous présenter la production de ce domaine de 72 hectares bien réputé.
il s'en suit une mini verticale de cette cuvée :
Ces vins sont donnés pour 7 à 10 ans de garde, et sont tous au même prix.
Belle dégustations de vins très concentrés, nous repartons avec 42 bouteilles de Carte Noire 90 à 22F, et laissons à regret cette jeune servante de Bacchus, qui inspire à Laurent quelques jeux de mots douteux.
Rieux possède une superbe église du XII ème siècle, toute ronde, superbe, avec de véritables ossements sous les dalles. Nous visitons aussi une bien plus ancienne allée couverte, avant de grimper à Montlaur, chez M. Baillat.
Ici, en hauteur, la vigne est plus en retard, et nous aussi, car il est déjà 18H30. Le fils était prêt à partir, mais il nous reçoit et nous sort quelques bouteilles :
La superficie actuelle de la propriété est de 10 hectares, avec un rendement de 30 à 40 hectos. Au milieu de la discussion, monsieur Baillat père arrive, et discute un peu avec nous en nous montrant un très curieux piquet portugais taillés dans un bloc d'ardoise massif. Seulement 12 Clos de la Miro prennent place dans le camion, et nous repartons pour trouver un campement.
Nous trouvons refuge en haut d'un ancien opidum romain derrière Notre Dame de la Consolation, qui nous offre un superbe spectacle sur la vallée, et un concert de crapauds. Petit muscat VT de Barroubio en apéritif en attendant la grillade sur les braises de sarments, accompagnée par un St Emilion GC, Bellefond Belcier 1986. La nuit est très calme, avec du vent, de la pluie, des sacs en plastique et une matinée plutôt fraîche sous un ciel menaçant. Tandis que Laurent et moi regardons passer les tracteurs étroits (1m20 de large) passant entre les vignes pour traiter, André part explorer un vieux puits se trouvant au fond d'un tunnel dont l'entrée est gardée par une aubépine. N'ayant ni corde, ni trousse de premiers secours, nous réussissons à l'en dissuader. Nous repartons un peu à l'aventure, les panneaux indicateurs brillants par leur discrétion. Nous atteignons quand même Ornaisons dans la matinée pour une visite au Domaine de Roque Sestière.
La propriété nous a été recommandée par le syndicat des crus de Corbières, pour ses blancs. Isabelle Lagarde et son mari nous reçoivent gentiment, même en ce premier mai, lendemain de joyeuses fêtes, si l'en en croit les yeux fatigués mais souriants du jeune couple.
Ces vins sont à boire dans les 2-3 ans, mais pourraient évoluer sur 20 ans ! Mais sûrement pas dans nos caves.
90% de la production est destinée à la grande distribution. 16 bouteilles de vieilles vignes prennent place dans le trafic.
Déjeuner près de l’abbaye de Fontfroide, avec fromages et charcuteries, arrosés de bière blanche belge, et le reste de St Emilion. Laurent nous fait promettre de dire à Brigitte qu’il suit scrupuleusement son régime et se ressert de charcuterie. Le soleil nous réchauffe enfin agréablement, tandis que les genêts, thyms et aubépine parfument notre café. La route vers Bagès est superbe, nous y croisons des hérons, flamants roses et autres échassiers dans les salines environnantes. La visite prévue au Château de l’Ille est annulée, nous n’arrivons ni à trouver la route pour y aller, ni une personne au téléphone en ce premier mai. Dommage aussi pour l’appellation Fitou que nous abandonnons faute de temps; il faudra revenir une autre fois (et ce sera avec plaisir). Le ciel s’obscurcit alors que nous atteignons le territoire du Rivesaltes.
C’est un jeune et dynamique domaine, dont on parle de plus en plus dans les revues vinicoles. Sept hectares seulement appartenaient au grand-père en 1985, il y en a maintenant quarante. La production a vraiment démarré en 90. Beaucoup de cuvées très différentes sont présentes, les vignerons n’ont pas d’a priori et sont près à toutes les expériences.
Une petite provision de six villages et 4 vintage 95, et nous repartons de plus belle vers Maury.
Les routes sont biens tortueuses sur les hauteurs, nous passons auprès d’anciennes terrasses, dont quelques unes ont été récemment replantées. Enfin, voici la vallée de Maury, dominée par le superbe château cathar de Querribus qui se détache au loin.
Nous y trouvons les fameuses bonbonnes de verre exposées au soleil du Mas Amiel. Il est un peu tard, mais la propriétaire, vieille dame très digne et son petit chien, nous accueille avec un petit groupe de touristes. Le vin muté vieilli dans quinze superbes foudres centenaires en chêne d’Autriche pendant six à quinze ans. La cave a exactement cent deux ans et possède quinze de ces fûts, toujours remplis, afin d’éviter qu’ils ne se dessèchent. La cave possède en plus de nombreuses cuves en ciment d’environ cinq cents hectolitres. Cette visite nous a évidemment mis l’eau, ou plutôt le vin à la bouche.
Très bonne dégustation où nous emportons deux muscats, trois quinze ans d’âge, deux 1985, et deux vintage. Je regrette seulement que nous n’ayons pas le temps de tester d’autres domaines de cette délicieuse appellation.
Je me console rapidement avec la superbe vue du Canigou qu’offre notre campement, et un très bon Ménetou Salon de chez Pellé 1993, glané lors de mon initiation vinicole. Par contre l’eau saumâtre du Mas Amiel n’est pas terrible, Vive le vin ! Le réveil est matinal, dès sept heures et demi, et plutôt frais à cause du vent dévalant les cimes enneigées des Pyrénées. Direction Vingrau, où les vignes commencent à être plus serrées, et nous voici au Domaine des Chênes ou nous accueille une ribambelle de chats ainsi qu’une odeur fort peu agréable.
M. Razungles, le propriétaire, nous raconte que ses vins blancs sont constitués pour la plupart de moitié Maccabeu et moitié Grenache, le tout passé quatre mois en barrique. Un essai de plantation de roussane sur quatre hectares a donné de très bons résultats, la vigne qui produit de petites grappes aux petits grains s’est très bien adapté ici. Le sol est argilo-calcaire, avec un peu de schiste.
La vinification en blanc a été faite à l’aide de nouvelles levures, ce qui a eu pour effet sur les grenaches et les roussanes d’augmenter le taux d’alcool, du coup le vin titrant plus de treize degrés à été déclassé en vin de Pays. Le rouge quant à lui, devrait se conserver dix ans facilement.
Détendus par cette superbe dégustation ; nous continuons à discuter. La propriété exporte jusqu’aux Etats-Unis depuis que Parker a parlé du Domaine. Mais cette notoriété désole presque notre homme qui voudrait bien prendre sa retraite. Son fils, brillant oenologue, parcours la France pour donner des conférences et ne semble pas pressé de reprendre la direction du domaine, il se contente de donner ses ordres à son père par téléphone. Puis nous avons parlé des carrières voisines qui n’amènent que vent, poussière et CRS. Nous emmenons trente trois bouteilles diverses avant de prendre la photo rituelle et de repartir sur notre route.
Il est midi lorsque nous arrivons à la coopérative de Vingrau. Laurent, en grande forme, nous fait une démonstration à la Parker, en analysant sept vins différents en trois minutes et dix sept secondes ! J’ai juste le temps de noter :
En Rivesaltes :
Seul André sera tenté par six Côtes du Roussillon. Nous nous rendons ensuite pour un pèlerinage au pied d’un if sans doute millénaire, qu’André a déjà croisé plusieurs fois dans sa vie. Il est superbe, et isolé au creux d’une vallée plantée de vignes. Mais le vent gelé y souffle fort, et nous sommes réfugiés derrière le camion pour pouvoir manger notre salade. L’après-midi sera consacré aux caves coopératives, pour y faire le plein de nos cubitainers. La première est l’énorme cave Aglya, qui nous change de nos petits propriétaires.
Une rapide dégustation de la production, et cinq litres de muscat ainsi que dix litres de Rivesaltes tuilé prennent place dans le trafic. Nous admirons au passage les énormes cuves extérieures qui sont peut être des cuves de fermentation en continue. André, seul maître à bord, nous fait une démonstration de gymkhana dans les petites rue étroites de Baixas, mais nous arrivons comme une fleur devant la coopérative.
La très luxueuse salle de dégustation, refaite à neuf et très hight-tech, est dans les tons de rose. Une jeune personne nous reçoit et nous sert avec le sourire.
La visite est rapide, et le ciel très menaçant. Les premiers vins sont servis directement à la pompe.
Une grosse pluie nous attend à la sortie. Plus de visites pour la journée, nous avons notre quota d’alcool dans le nez, et allons faire les courses, puis donner rendez-vous à Franck pour le lendemain. La soirée sera calme, au pied de l’imposant monastère de Serrabone, dans les Alberts où nous nous empressons de visiter le génial musé ampélographique. Une magnifique collection de vignes et de porte-greffes y est représenté, du pinot-noir au baco 22A, tout est planté sur des petites terrasses escarpées à flan de montagne, et reliées entre elles par des étroits escaliers de pierre. Il y a même eu une récolte de neuf bouteilles de chardonnay du millésime 1995 ! Le dîner sera arrosé d’un Ménetou-Salon aussi glacé que nous, et d’un Côte du Jura, Berthet Bondet 1992, supportant bien la température mais ayant une acidité importante. Une petite phrase de Laurent, lors d’une éclaircie dans le ciel déjà étoilé : " Le soleil s’ouvre comme une femme heureuse ! " Sacré Laurent qui doit voir bien des étoiles la nuit... La nôtre sera bercée par un chat et un rouge-gorge qui nous empêcheront de dormir. Le matin est superbe, le ciel est dégagé, et le vent est tombé. A dix heures pile, le maire arrive pour ouvrir le monastères aux touristes que nous sommes. L’endroit est austère mais magnifié par le contraste entre l’ardoise grise de l’édifice et des colonnes sculptées en marbre rose. Nous redescendons par les routes bordées de chêne liège vers Bouleternere, pour un ravitaillement en eau et un ouillage de nos cubis. Je ne sais pas si la cause en est les rêves agités de Laurent ou l’acidité du vin du Jura, mais celui-ci à bien mal à la tête ce matin.
La visite des caves de Byrrh est annulée, celles-ci étant fermées, nous allons donc directement à la coopérative des vignerons de Terrats pour cinq minutes de dégustation avant la fermeture. Très vite, André prend cinq litres d’un Rivesaltes à 33,50F et cinq litres d’un muscat léger et fin au goût de miel, à 27,50F.
Le plein est fait pour le Rivesaltes, et nous arrivons enfin dans l’appellation Banyuls tant attendue. Il est midi, et la recherche d’une aire tranquille pour le repas commence. André repère sur la carte un vieux fort sur une presqu’île, et en bon scout trouve le chemin à prendre, même si celui-ci est inondé et encadré de pancartes " Attention explosifs ". Je ferme les yeux et serre les fesses tandis que le trafic fonce à travers les flaques de boue. Nous arrivons sains et saufs devant un petit fortin du XVII ème siècle au bord de la mer. Le déjeuner sera génial. Confortablement installés sur des rochers, les pieds dans l’eau, nous dégustons d’abord des oursins pêchés sur place, avec de grandes rasades de rosé de Barroubio bien frais. Deux bouteilles serons nécessaires pour étancher notre soif, et nous donner une douce euphorie. André n’est plus en état de conduire, et passe le volant à Laurent qui nous fait faire une involontaire visite de toutes les petites rues de Banyuls, avant d’arriver aux Caves de l’Etoile.
Cette coopérative réputée possède elle aussi ses bonbonnes exposées en plein soleil, au dessus du magasin où nous pénétrons pour une dégustation d'enfer. Une jeune femme est posté derrière son comptoir et les très nombreuses productions de la cave. Nous choisissons sur ses conseils la dégustation dite "en zigzag" qui consiste à goûter un peu de tout. Pourvu qu'André tienne le coup!
Le collioure est vieilli curieusement à 1000 mètres d'altitude, et s'appelle "Montagne".
Quelle superbe série, et nous n'avons pas tout goûté... Nous emportons 6 collioure et 9 Banyuls, et pleins de promesses de bonheurs.
Heureux, nous refaisons un petit circuit improvisé dans les montagnes derrière Banyuls, la route est bordée de chênes lièges et de petites vignes en terrasse, nous arrivons à Collioure pour une petite sieste bien méritée sur la plage avant d’accueillir nos amis. Le soleil est là, l'eau fait un agréable clapotis, nos papilles se reposent, et il ne manque plus que Florence et Franck que nous accueillons bientôt. Le repas du soir sera pris au fortin, et aux chandelles. Le menu n'est composé que de saucisse de Toulouse et de pâtes, mais nous avons eu, après l'apéritif de vendanges tardives de Marie-Thérèse, un Minervois Domaine des Chênes 91, très puissant, et un Pomerol Vieux Château Bourgneuf 1978, que j'ai réussi à sauvé jusque là. La digestion sera accompagnée d'un Rivesaltes rancio 79 de la coopérative de Trouillas. Les jeunes mariés iront à l'hôtel, et nous sous la tente. Tout est calme, le matin est ensoleillé, et nous prenons un solide petit déjeuner en face de la mer, partagée par les petits bateaux de pêcheur et les mouettes. Tout le monde est réuni le matin pour la suite de nos terribles épreuves quotidiennes.
Beaucoup de domaines ont pignon sur plage, et les petits cabanons de dégustations sont bien achalandés.
Je n'ai pas beaucoup pris de notes ici, mais le matin c'est dur... Nous emportons 4 collioure et 4 Banyuls. Un peu plus loin, un autre cabanon :
C'est le beau-père qui tient le stand, une sorte de préretraite, où il passe ses après midi avec les habitués ou les touristes de passage. Nous sommes reçu dans une bonne ambiance :
Impossible d'acheter des bouteilles; voyant que l'on aimait parler vin, il nous envoie chez son gendre prendre le vin choisi et visiter les caves. Nous ne pourrons aller au Domaine de la Rectorie sans rendez-vous, et retrouvons directement Bernard Sapéra de Vial Magniéres. S'ensuit un cours complet sur le Banyuls. Auparavant il n'y avait que le Banyuls classique, depuis 1985 est apparu une nouvelle génération de vignerons, M. Sapéra est chimiste la semaine et oenologues le week-end dans la cave de son beau-père. Tout est impeccablement propre et rangé, l'élevage se pratique ici sous France Musique. Tout seul pour assurer la vinification, il faut bien être bricoleur, et il nous montre ses systèmes de réfrigération, et autres appareillages. Le blanc sec à base de grenache blanc a été vendangé début septembre avec un potentiel de 13,5° d'alcool. Le levurage (type vihno verde ?) est effectué pour pouvoir maîtriser la fermentation, qui n'est pas toujours facile dans ces endroits chauds. La futaille est de Séguin Moreau, avec un essai de bois d'un vin de château Lafitte! La vendange pour le collioure s'est faite autour du 15 septembre, elle est égrappée. Les grenaches blancs et rouges sont mélangés ensemble. Les rendements sont de 20 hectos pour le rouge. Un essai de vin de voile a été effectué. Pour le Banyuls le mutage se fait sur le vin. Un bout de craie, et nous voici devant un schéma expliquant quand et de quelle façon faut-il muter, sachant qu'à 17g de sucre au litre correspond un degré d'alcool potentiel. La labélisation est effectuée par l'INAO qui prélève des échantillons sur chaque barrique, le jury accréditeur est composé d'un vigneron, d'un négociant et d'un oenologue. Une petite dégustation pour le plaisir d'un vin blanc sec "Ar'Menn" 95 encore en fût, très gras 13,5°, et d'un Banyuls blanc rancio avec 110 g de sucre et 15° d'alcool, superbe mais malheureusement pas encore à la vente. Nous quittons notre professeur, avec nos 9 bouteilles de Banyuls, après un cour si intéressant que j'en ai oublié de prendre des photos.
En attendant, il est midi, et nous partons dans la montagne prendre notre salade préparée par Florence, et largement arrosé du rosé de Barroubio rafraîchi dans le ruisseau en contrebas. La sieste est à nouveau très tentante, mais il faut se dépêcher pour une dernière dégustation avant le retour sur Toulouse. Un peut trop tôt tout de même pour notre vigneron que nous tirons du canapé, mais qui ne nous en veut pas et nous donne rendez-vous dans sa cave en ville.
L'endroit est un peu moins propre, mais nous ne décelons aucune odeur suspecte. La cave est taillée à même le roche, et les quelques infiltrations d'eau sont la cause du moisi que l'on trouve sur les murs. Le Domaine possède 7,5 hectares de vignes dont s'occupe Alain Soufflet, tandis que Laurent Escapa est dans les chais ou fait les salons. La cave produit aussi du collioure qui passe un an en fût de 400l (barrique bordelaise).
L'appellation (1600 hectares) possède autour de vingt caves particulières qui produisent 20% des vins. Beaucoup de retraités ont encore des petites parcelles dont la production part à la cave des Templiers. Les coopératives sont arrivés dans les années 1920. La récolte se fait en dix jours, les raisins ont alors une densité de 1106, 142 g de sucre et 14,5° de potentiel. Nous repartons avec 4 banyuls vintage.
Florence et Franck vont rester quelques temps encore en amoureux, tandis que nous remportons le trafic plein vers Toulouse, avec le sentiment d'avoir bien rempli notre mission.
Cinq mois plus tard, je refait les comptes de mes bouteilles restantes, et je suis obligé de constater que j'aurait dû ramener dix fois plus de bouteilles. Il faut d'abord enlever les bouteilles offertes, puis les bouteilles promises, enfin celles vidées lors d'apéros bien arosés, et il ne me reste plus grand chose... Odile me traite de radin quand je ne lui sert qu'un petit fond de verre de mon délicieux Maury 85, alors que je lui ait ramené une bouteille entière! L'année prochaine je m'enferme dans la cave avec mes trésors; mais André et Laurent seront toujours la bienvenue, quand-même...
|
François Fauchery |
|